Le Théâtre d'Eschyle

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Le Théâtre d'Eschyle Details

(Texte provisoire) Il y a deux Eschyle. Le premier d'avant la loi de Lycurgue qui le monumentalisera aux côtés de Sophocle et d'Euripide et en fera un héros de l'identité athénienne à la fin du 4ème siècle avant J.-C.. Cet Eschyle-là vit à Athènes au 5e siècle av J.-C., c'est un compositeur de tragédies que rien ne distingue de ses contemporains, de ceux qui l'ont précédé ni de ceux qui l'ont suivi. Il compose des textes et des musiques pour des concours de chours tragiques offerts à Dionysos, et fait répéter les chours. Rien ne le vouait particulièrement à ce que quelques unes de ses ouvres, réduites à des textes, entrent au patrimoine de l'humanité ni qu'elles soient fixées et conservées pour l'éternité. Le second Eschyle, est une figure construite par la loi de Lycurgue qui en avait fait un grand homme de la littérature et le fondateur de la tragédie. Ce livre présente ces deux Eschyle qui sont aussi vrais l'un que l'autre, et qui l'un et l'autre appartiennent à notre présent, même si le premier Eschyle, " l'écrivain de plateau " est le plus souvent oublié au profit du second, " le génie figé dans son éternité". Florence Dupont Professeur émérite à Paris-Diderot. Agrégée de Lettres classiques. Chercheur associé au Centre Louis Gernet - depuis 1986 - (Centre de Recherches Comparées sur les Sociétés Anciennes, rattaché à l'EHESS. Fondatrice de la Société des traducteurs de théâtre - Maison Antoine Vitez (membre du Conseil scientifique pour le théâtre latin). Membre du Conseil Scientifique de l'Institut des Humanités de Paris (Paris Diderot). Membre du Conseil Scientifique du Collège International de Philosophie. Florence Dupont est également l'auteur de nombreux ouvrages consacrés au théâtre et aux auteurs grecs, parus chez Belin et Gallimard notamment. Elle est aussi la traductrice de textes de théâtre, grecs et latins.

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Eschyle passe pour le "fondateur" de la tragédie athénienne, illustrée après lui par Sophocle et Euripide : c'est là le résultat d'une loi établie par Lycurgue (simple homonyme du législateur de Sparte), à la fin du IVème siècle, qui a consacré ces trois poètes comme des auteurs exemplaires, dont on allait rejouer les pièces (hors concours) lors des fêtes de Dionysos, où ils avaient concouru, de leur vivant, parmi bien d'autres compétiteurs. Car il faut rappeler que le théâtre grec était d'abord une institution de la cité, tout à la fois spectacle et cérémonie rituelle, où les compétiteurs ne concouraient pas seulement pour les mérites d'un texte, mais pour l'ensemble d'une représentation, où ils étaient aussi musiciens et chorégraphes. Comme Sophocle et Euripide, Eschyle était davantage "chorodidascalos", maître de choeur ou chef d'orchestre, que ce qu'il est, pour nous, un "poète" ou un "littérateur".- parce que nous le jugeons sur cela seul qui survit au spectacle, comme si nous jugions un opéra de Mozart à partir d'un livret, dont la musique aurait disparu... Et comme le théâtre, à partir de la Renaissance, se réduit à une succession d'actes et de scènes, où des acteurs conversent, roucoulent ou s'affrontent, nous croyons volontiers ce que dit Aristote, pour qui l'intrigue (le muthos) est l'âme de la pièce, alors que la musique devient un accessoire. Eschyle, sur ce plan, paraît bien "primitif", même si les romantiques lui en ont fait compliment : deux jugements anachroniques, aussi faux l'un que l'autre, parce que la tragédie athénienne ne correspond en rien au théâtre moderne. On pourra compléter cette lecture par d'autres livres de Florence Dupont : L'insignifiance tragique ; Aristote, le vampire du théâtre occidental ; et même sa traduction de Sophocle, Antigone.